ARTISTE SCULPTEUR
Josélito Donas
Enfant du monde aux origines multiples, Josélito Donas laisse transparaître ses émotions et son expérience à travers ses œuvres.
Désireux de figurer ses réflexions sociales et culturelles, cet autodidacte impose à la pierre sa conception et son savoir. Il qualifie son œuvre comme étant de « L’Art Etrange ». Aussi à la question pourquoi créer ? Il se plait à reprendre cette citation de Rainer« Une œuvre d’art est bonne quand elle est née d’une nécessité, c’est la nature de son origine qui la juge ».
Les bronzes et pierres délicatement travaillés en rond de bosse expriment l’ambivalence : l’abnégation dans la retenue, l’éveil dans le repos. La nudité, avec pour unique protection des mains, des pieds ou des membres qui se rejoignent pour former un triangle, qui sous sa forme apparemment brisée est symbole de féminité, en autre….
A première vue des corps assoupis, lascifs, des offrandes nues maquillées de stries dont la pudeur dissimule l’intimité. Des corps figés … en apparence.
Pour « L’Homme allongé » l’artiste s’inspire de son vécu : quasi auto portrait d’un homme blessé, un hommage à la médecine qui l’a reconstruit après un accident, à ses rencontres lors de ses soins, et son expérience de la douleur qui l’incite à se surpasser spirituellement. Ce bronze mi-homme mi- machine, allongé et vêtu de stries semble instrumentalisé, l’élancement atténué par les soins prodigués. La douleur serait-elle nécessaire pour mener au bonheur ?
Même démarche pour « l’Ecorché » : Dans l’acceptation du mal qui le ronge, cet Atlas plie sous le poids de sa peine. Une chair à vif qui exprime la souffrance face à l’amoralité de ce monde.Le « Souffleur » tire son énergie de la connaissance qu’il aspire. D’une expiration, il se plie arc bouté sur le monde pour communiquer ses acquis. Saisissant comme son Talon d’Achille, il exprime la difficulté de se faire comprendre. La sculpture trouve là son sens.
Le « Faiseur de ronds » quant à lui s’inscrit dans une spirale, celle des répétitions, des efforts : chuter, se relever, chuter, se relever encore et encore. Sa physionomie de lutteur grec l’aide à supporter le poids de ses sacrifices, de ses choix, des aléas et des éternels recommencements.
Le caractère précieux de la vie n’échappe pas non plus à l’artiste, son « Cri » symbolise la fuite inéluctable de la jeunesse, les sillons sur le corps déterminent l’âge de celui-ci comme on compte les cernes d’un arbre.
Ses interrogations sur le genre féminin et les relations ont amené l’Artiste à commettre des œuvres sensuelles et pudibondes. La femme tantôt douce, tantôt tentatrice tient une place prépondérante dans ses méditations.
Ses trois grâces sont une critique objective de la femme moderne. « Parité », les yeux bandés se croit l’égal de l’homme, pourtant ce dernier continue à l’asservir et lui donner l’illusion du champ des possibles. L’égalité des deux sexes, une utopie? « Etat de grâce » condamne les codes modernes, la taille zéro et l’androgynie imposée par notre société. Sa « Sumérienne » représente pour sa part une beauté subjective, l’artiste imagine un âge où les mots race et couleur n’existent pas. Cette beauté renvoie également à l’originelle.
Une vision avec « Herma ».Cette création est transgenre ou n’a pas de genre du tout. La sexualité reléguée au second plan… Allongé, pudique, le visage offert : l’être dans son essence même, sa sensibilité, son besoin d’être aimé et enlacé dans les bras de l’autre.Une version féminine d’Icare prend son envol avec grâce. Le socle « d’Ailée » semble la maintenir entre mer et ciel, ainsi le soleil ne fera pas fondre ses ailes et l’empêchera de couler vers le fond. L’équilibre en somme.
Cependant tout n’est pas idyllique, « Néoève » révèle le côté négatif, intéressé du plaisir charnel. La pomme d’or posée sur son buste, avide, la pécheresse n’a d’yeux que pour l’appât de ce gain…
« Comme elle veut » se façonne, s’adapte selon son bon vouloir. Libre de se plier ou non au désir de l’autre. Liberté d’un corps qui se veut volontairement flexible, mouvant.
Alors que dans « Possession », l’élégante repose dans une volière dont elle occupe tout l’espace. Alanguie, endormie, ses mouvements sont limités par les barreaux de sa prison, comme parfois la relation entre deux êtres.
La musique est pour Josélito un puis d’émotions, une source d’évasion, une incitation au voyage. Il crée un homme « Lyre » (pas abouti car des cordes relient sa main droite aux pieds) dont le corps devient instrument.
Sa « Clé de sol » s’extirpe de la portée musicale pour se muer en une dame longiligne. En musicienne avertie, cette adepte du 4e Art prête l’oreille au son de la mélodie dont elle s’est échappée. Le « Violoniste » quant à lui fait corps avec son instrument moyenâgeux. Malgré le temps qui passe et l’évolution des technologies, le lien entre l’artiste et son outil reste toujours aussi fort. Une fusion.
La religion et les mythes tiennent également une place importante dans la vie du sculpteur. Toujours sous une forme féminine, il impose « Yémanja » à la pierre, un hommage à la déesse de l’eau et aux croyances primitives.
De la terre ou de la pierre surgira également une rareté, sa « Rose Noire » qui gît en attente d’une passion fatale ou d’un amour éternel.
Amour toujours pour ce « Pentacle ». Un miroir soutenu par deux êtres, l’homme tenant à bout de bras un astre rayonnant représentant un triangle, à son opposé la femme qui maintient un triangle inversé : un réceptacle. Les deux figures géométriques combinées forment le Pentacle, un symbole de perfection à l’effigie de Vénus.
D’une autre psyché apparait une sirène, tentatrice prête à détourner l’attention de celui qui s’interroge devant « Flamme en songe ». Une introspection qui permet au visiteur non pas de mirer son reflet mais de se plonger dans une interrogation de son moi profond en réfutant le désir de la chair. Ardu, mais spirituel en plein.
Et puis la Vierge… avec toute sa douleur de femme. « Offrande » est un paradoxe. La mère du Christ si souvent représentée avec une douceur infinie laisse ici transparaitre ses émotions face au sacrifice de celui qui se donnera à l’humanité.
Du sens donc, des émotions, de la poésie, du vécu, un cri du cœur, non ! De l’âme !
Honoré de Balzac résume mieux encore les impressions après un tel voyage : « La sculpture est comme l’art dramatique, à la fois le plus difficile et le plus facile de tous les arts. Copiez un modèle, et l’œuvre est accomplie, mais y imprimer une âme, faire une type en représentant un homme ou une femme, c’est le péché de Prométhée. On compte ce succès dans les annales de la sculpture comme on compte les poètes dans l’humanité. »
Nelly Marre